Qualité de l’environnement, aménagement d’espaces verts, jardins partagés,… autant de sujets qui s’invitent aujourd’hui dans le débat politique et qui témoignent de l’intérêt croissant des français sur le sujet. Le jardinage, le paysagisme est un secteur d’activité resté « traditionnel » très longtemps mais qui vit aujourd’hui une profonde mutation. Outre les mouvements opérés par les grands faiseurs du secteur, quelques start-ups commencent à s’inviter sur le sujet.
Un secteur majoritairement en croissance…
Les français sont chaque année, plus nombreux à se lancer dans la pratique du jardinage : 9 français sur 10 ont un petit coin pour cultiver et 7 sur 10 ont un jardin. Ils dépensent en moyenne 290 €/an pour le jardinage, budget croissant qui contribue au dynamisme du secteur.
Le marché de la jardinerie qui regroupe les activités de vente de végétaux, produits et articles de jardinage, motoculture et outillage ainsi qu’un ensemble de produits pour le jardin et les animaux de compagnie, a généré un chiffre d’affaires de plus de 7,5 milliards d’euros en 2017 et 2018. La barre des 8 milliards d’euros devrait être atteinte d’ici 2022 selon Xerfi.
Les principaux points de vente des articles de jardin sont les GSB (Grandes Surfaces de Bricolage) qui totalisent 34% du marché total, suivi par les jardineries (25%). Les ventes sur internet ne représentent que 5% du marché en 2019, mais elles sont en forte progression.
Côté distribution, tous les circuits ont profité de l’embellie du marché, à l’exception des spécialistes de la motoculture, plombés par la chute des ventes des outils motorisés.
C’est la conséquence des nouveaux modes de consommation qui privilégient soit la mutualisation de l’achat du matériel à l’échelle d’un groupe de voisins (type CUMA de particuliers), soit le recours à la location par l’intermédiaire de plateformes du type Allovoisins, leboncoin, ou même directement via le site de grandes enseignes de bricolage.
Ces solutions alternatives connaissent un engouement croissant, permettant de ne pas avoir à stocker du matériel qui ne sert finalement que quelques heures par an, et d’avoir accès à du matériel majoritairement bien entretenu.
LISAS : Libres services agricoles, GSA : Grandes Surfaces Alimentaires, GSB : Grandes Surfaces de Bricolage
…mais qui se concentre et se réinvente
Dans ce contexte d’évolution du marché, les rapprochements entre acteurs de la jardinerie se sont accélérés depuis 2017. On peut souligner notamment la reprise de Jardiland par le groupe InVivo. L’ambition d’InVivo est de devenir un leader européen avec Jardiland, Gamm Vert et Delbard, en conservant ces trois enseignes complémentaires afin de capitaliser sur leurs synergies. Le groupe compte également multiplier par 10 son chiffre d’affaires sur Internet d’ici à 2025 alors que le commerce en ligne ne représente encore que 3 % de parts de marché sur le segment de la jardinerie.
Début 2018, ce sont Kiriel et Point vert/Magasin vert qui se sont stratégiquement rapprochés afin de rester concurrentiels face au poids lourd constitué par InVivo.
Et dans ce paysage, il faut ajouter deux autres acteurs majeurs du secteur que sont Truffaut, implanté plutôt dans les villes de grande taille, et Botanic qui, lui, se différencie pour avoir retiré de ses rayons les produits de traitement et engrais chimiques dès 2008.
Mais ces retailers des espaces verts ont revu progressivement leur positionnement depuis quelques années afin de contrer la météo-dépendance du secteur. Ainsi, l’alimentation, les produits bio et régionaux, l’habillement, la décoration côtoient désormais les plantes, l’outillage ou les salons de jardin. Ils adaptent également leur offre traditionnelle, collant ainsi à une taille de jardins qui va en s’amenuisant (plantes à petit développement, motorisation plus faible) ou à des conditions climatiques plus extrêmes (plantes résistantes, systèmes d’arrosage économes,… )
L’innovation s’invite dans le paysage
En premier lieu, il faut citer la performance de la marketplace Manomano qui a levé plus de 300 millions d’euros depuis son lancement en 2013, ce qui en fait l’une des start-up les mieux financées de la French Tech. Elle ambitionne de devenir l’Amazon européen du bricolage et du jardinage, une manne de 400 milliards d’euros en Europe qui ne réalise encore que 5% de parts de marché (PdM) sur Internet quand les autres secteurs d’activité se situent plutôt dans une tranche de 15 à 20 % de PdM via le web.
L’activité des jardins et du paysage n’échappe évidemment pas à la « plateformisation », tendance lourde dans tous les secteurs d’activité. On peut notamment citer l’arrivée en 2015 de Gaarden qui cible les marchés des entreprises et des particuliers en leur permettant de réserver un créneau avec un professionnel du jardin, référencé et de proximité.
Les capteurs trouvent aussi leur place dans le jardinage et bénéficient, à une plus petite échelle, des avancées de l’AgTech. Ainsi, on peut citer l’exemple de la start up Agrove, qui était présente au CES 2020, pour y présenter sa jardinière connectée. Outre le capteur d’humidité qui permet de déclencher un système de goutte à goutte, elle possède aussi des capteurs climatiques permettant de compiler les relevés, de les comparer à une base de données et de proposer des variétés de plantes ou de légumes plus adaptées au micro-climat lié à la situation de la jardinière.
Autre exemple et autre tendance liée à l’essor des jardins urbains ou partagés, Adoptematomate.com souhaite re-végétaliser la ville en connectant via une application mobile les jardiniers en recherche d’un terrain avec les propriétaires qui ne pourraient pas (ou plus) s’occuper de leur jardin.
Dans le même esprit, la start-up rennaise UrbanFarm, développe son concept de ferme urbaine en utilisant cette fois des containers maritimes installés dans les villes et à proximité des zones de consommation (supermarchés, centre ville,…).
©Jardinière connectée Agrove ©www.agrove.fr. Photo libre de droits.
Intégrer ces évolutions dans vos projets
Si vous êtes un acteur du jardin, des espaces verts ou de leur entretien, il y a des tendances lourdes que vous devez intégrer dans vos projets.
Changement climatique : dans les espaces verts urbains comme dans les jardins, les usagers souhaitent profiter de ces environnements tout au long de l’année. Les plantes doivent donc pouvoir s’adapter à des extrêmes climatiques plus fréquents et avec un spectre plus large.
La préservation de l’eau : là encore, les pratiques écologiques telles que l’utilisation de plantes appropriées (locales, ou qui ont besoin d’un apport en eau moindre) et l’essor des innovations en matière de techniques d’irrigation (via des capteurs d’humidité et/ou des bases de prévisions météo) se font de plus en plus nombreuses.
La moindre acceptation des molécules chimiques : le biocontrôle est à la mode dans les jardins. Il s’agit des méthodes et produits alternatifs qui mettent en œuvre des agents biologiques ou des interactions naturelles pour protéger les plantes. Les applications « fleurissent » dans ce domaine et les conseils d’experts de jardinerie sont souvent recherchés.
Des matériels moins lourds, plus maniables : ce sont les matériels équipés de batteries qui sont plébiscités aujourd’hui par rapport aux thermiques. Plusieurs raisons à cela : l’amélioration des batteries qui les rend plus maniables, des vibrations moins fortes à l’utilisation, un niveau sonore moins élevé et une empreinte carbone réduite.
Les tendances bougent, les acteurs se repositionnent dans un marché dynamique, l’occasion de repenser sa stratégie pour tirer parti de ces opportunités !
Emmanuel Etesse – Consultant Innovation Le Village by CA Finistère
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