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L’Hybridation : une chance pour les entreprises

Comme l’énonçait Gabrielle HALPERN (1), docteur en philosophie et chercheur associée de l’Ecole Normale Supérieure qui a écrit « Tous Centaures ! Eloge de l’hybridation » en 2020, « Avant les choses étaient simples : un téléphone était un téléphone, une ville était une ville, une gare était une gare, un musée était un musée. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, puisque tout s’hybride. »

Le numérique et la mondialisation nous ont fait sortir d’un monde qui rentrait dans des matrices prédéfinies, claires et distinctes, nous poussant vers un monde de plus en plus hybride, où tout tend à devenir double, mélangé, parfois contradictoire ou hétéroclite. Les comportements, les cultures, les identités n’échappent pas à la règle et cela peut être déstabilisant pour les entreprises, qui ne savent plus forcément quelle stratégie adopter face à cette mutation.

Mais alors pourquoi chercher l’hybridation ?

L’hybridation c’est, selon le Larousse, le croisement entre deux variétés, deux races d’une même espèce ou entre deux espèces différentes.

Si l’on fait l’analogie de l’entreprise hybride avec le monde du végétal, l’objectif recherché est bien le même.  Il faut croiser des diversités, rechercher des activités complémentaires afin d’atteindre ce que l’on appelle « l’effet hétérosis ». Les structures, qu’elles soient végétales ou d’entreprises, cumulent, grâce à cette loi génétique, les qualités dominantes de la diversité qui les composent, permettant d’assurer une meilleure resistance-résilience, une plus grande efficacité, un rendement optimal dans un contexte donné.

Dans l’ancien monde, les entreprises traditionnelles sont des producteurs/détenteurs d’actifs ou des fournisseurs de service. Avec l’ère du digital, de nouveaux modèles ont émergé tels les créateurs de technologie et les opérateurs de plateforme, ces derniers promettant un retour sur investissement nettement supérieur aux modèles traditionnels.

Au cœur de leur approche, une plateforme digitale, bien souvent, qui sert à la fois de place de marché pour leurs services mais aussi pour ceux de leurs partenaires. Abandonnant la chaîne de valeur traditionnelle de la distribution de « produits », fixe et linéaire, au profit d’une chaîne de valeur multidimensionnelle et multisectorielle orientée client, les créateurs de technologie et les opérateurs de plateforme jouent désormais quatre rôles principaux, interchangeables très rapidement : producteur, propriétaire, fournisseur et consommateur.

La société de services a succédé à la société industrielle, et maintenant, nous entrons dans une société où la frontière entre le produit et le service s’estompe au profit des usages car nous sommes désormais dans la société hybride des usages. En témoignent les nouveaux modes de consommation, multicanaux, hétérogènes et souvent contradictoires, qui obligent le secteur de la distribution à inventer de nouveaux types de services, de nouveaux types de commercialisation et des magasins où l’on ne vend pas seulement des produits, mais aussi des expériences et des émotions.

De la même manière, les technologies font émerger des économies immatérielles et virtuelles, au côté de l’économie réelle ; ce qui invite les entreprises à coopérer pour proposer de nouvelles offres, conserver leurs avantages concurrentiels et conquérir de nouveaux marchés.

Grâce à la combinaison de différents modèles économiques, les entreprises traditionnelles peuvent accélérer leur croissance et la création de valeur en diversifiant leur portefeuille de modèle économique.

Sans opérer forcément une transformation radicale de son modèle économique, il est déjà possible d’opter pour une trajectoire évolutive et incrémentale pour les produits et services existants. L’enjeu stratégique est de tracer ce sillon en maîtrisant les technologies digitales.

Sur le plan opérationnel, parmi les barrières à l’évolution vers l’économie de plateforme, figurent l’inadéquation de la proposition de valeur aux besoins des clients, la difficulté à monétiser les services externes à l’entreprise, un manque d’ouverture du système d’information, un manque de compétences et une gouvernance pas toujours adaptée.

Le secteur des services financiers est ainsi un des premiers à s’être transformé autour des modèles hybrides : le paiement mobile est un exemple de cette « plateformisation de l’économie ». Les services digitaux des banques vont dans le même sens.

À ce titre, les start-up, nativement hybrides, apportent des réponses concrètes à l’économie par exemple en hybridant les matières pour fabriquer des matériaux inédits et durables comme GWILEN qui transforme les sédiments marins en matériaux pour le design et l’architecture.

C’est la capacité de l’entreprise à combiner, à hybrider, plus rapidement et plus originalement que les autres qui lui permettra de véritablement innover. Cela donnera lieu à de tiers-services, de tiers-objets, de tierces-organisations, de tiers-usages. Ce qui a fait la force d’Apple, c’est précisément cette logique de la combinaison inédite des matériaux, des disciplines, des usages et des fonctionnalités… “avant un téléphone était un téléphone …” désormais il est aussi un réveil, une radio, un scanner, un appareil photo et tout à la fois un objet de loisir et de travail.

La nécessité pour les entreprises d’adopter un développement durable, respectueux des ressources, se traduit de plus en plus par une hybridation progressive de leur fonctionnement avec celui de la nature : l’économie circulaire, par exemple, puisqu’elle est le miroir du mouvement de base de l’environnement où rien ne se perd et tout se transforme !

Cette stratégie d’hybridation peut aussi avoir du sens à l’intérieur même des entreprises, qui ont tout à gagner à hybrider leurs modes d’organisation et de travail avec ceux des start-up, pour adopter une logique plus agile, plus créative, plus entrepreneuriale et horizontale. L’heure est aux organigrammes et aux fiches de poste hybrides tel le Juriste Développeur qui cumule à la fois des compétences juridiques et informatiques pour concevoir des outils numériques capables de gérer des contrats juridiques ou le Juriste en Legal Design chargé de rendre le droit plus engageant et accessible en designant et simplifiant les contrats juridiques grâce au motion design par exemple.

Bien sûr, cela peut angoisser car l’hybride est vecteur d’imprévisibilité, de flou, de métissage, de contradictions. Au-delà d’être une question de survie, les entreprises auront tout à gagner en menant une telle stratégie, puisqu’en s’hybridant, elles seront aussi plus agiles, plus créatives, plus écologiques et plus riches.

(1) Gabrielle Halpern est docteur en philosophie, chercheur associée et diplômée de l’École normale supérieure, Gabrielle Halpern a travaillé au sein de différents cabinets ministériels, avant de participer au développement de start-up et de conseiller des entreprises et des institutions publiques. Ses travaux de recherche portent entre autres sur la notion de l’hybride. Elle a écrit :  Tous centaures ! Eloge de l’hybridation, © Editions Le Pommier/ HUMENSIS, Paris, 2020.

Gina HERRY – Corporate Manager & Business Developer Le Village by CA Finistère

Emmanuel ETESSE – Consultant Agri/Agro et Santé Le Village by CA Finistère

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